Covid 19 et insularité :Résilience à la Goréenne
15 Mars 2020- 15 juin 2020, 3 mois déjà que sous la contrainte du redoutable COVID 19, l’île de Gorée s’est refermée sur elle-même et que sa population vit quasiment en autarcie forcée. Plus de visiteurs nationaux ni étrangers, point d’activités touristiques et économiques connexes, Gorée vit stoïquement sa pandémie dans le silence et dans l’épreuve de la récession économique et la souffrance matérielle qui en découle.
Pour autant, sa population tient toujours le siège imposé par le redoutable envahisseur COVID19 qui s’énerve de ne pas encore avoir pu percer la muraille de ce Rocher Atlantique qui se dresse comme l’un des derniers bastions de virginité et d’inviolabilité contre le Coronavirus.
Pour tenir le plus longtemps possible, des provisions substantielles en vivres ont été constituées avec l’aide de la collectivité, de l’État et des bonnes volontés, Goréennes comme étrangères.
Aux rigueurs de l’état d’enclavement structurel propre au milieu insulaire est venu s’ajouter les affres d’ un état de siège en forme d’embargo sanitaire et économique imposé par le Coronavirus.
Mais ce dernier n’est pas si sûr d’avoir les Goréens à l’usure. La question est de savoir jusqu’à quand Gorée résistera-t-elle aux assauts assassins de ce virus qui peut l’infiltrer au gré des va-et-vient quotidiens des chaloupes qui seules peuvent permettre à l’ennemi de franchir l’océan d’eau qui fait obstacle à ses desseins d’invasion de cette île; une île-phénix qui au fil des siècles a toujours su renaître sous les cendres et ruines des
attaques ennemies.
En attendant la réponse, Gorée, ses populations, sa faune et sa flore ont réappris à vivre avec la pandémie en gardant pour le moment le virus à bonne distance au prix de beaucoup de sacrifices et d’abnégation.
D’abord, elle a su s’organiser en communauté de riposte pour respecter toutes les mesures barrières préconisées pour une lutte efficace contre la COVID 19 après avoir réduit au strict minimum l’accès à Gorée pour les milliers visiteurs habituels et éléments potentiels de la chaine de transmission.
Ensuite, la nature a repris ses droits et avec un bonheur tout aussi inattendu qu’exquis, il nous a été donné d’observer les chats dans les rues de Gorée se prélasser comme des rois, les fleurs étaler leurs couleurs de lumière au grand jour, les espèces de poissons et fruits de mer refaire leur apparition dans les prises des pêcheurs et comble de bonheur, une étoile de mer s’installer sur les rochers de la baie de Gorée comme pour « bronzer ».
Pendant ce temps, les jeunes et les tout petits sevrés par les restrictions administratives de leurs activités naturelles d’études, de sport, d’épanouissement et de loisirs ont su se recréer une vie tout d’abord en étant au premier rang du combat contre la COVID 19 en se constituant en mouvement des Jeunes Volontaires Goréens pour la riposte, ensuite en substituant la natation, le jogging, les exercices physiques solitaires ou par petits « distanciés physiquement » aux parties de Football ou de basket considérés à risques par les autorités.
Exit les soirées dansantes et autres parties nocturnes noyées par le couvre-feu décrété; ils sont remplacés par des promenades du soir au bord du littoral pour profiter en musique de la fraîcheur de la brise marine avant que les policiers ne sonnent le tocsin de fin de récréation nocturne.
Gorée vit ainsi sa pandémie mais sans le virus et se prépare à des jours meilleurs où elle retrouvera ses visiteurs perdus et redeviendra ce carrefour de toutes les nationalités qui y viennent en pèlerinage au sanctuaire de la mémoire de la souffrance de l’homme qui se veut désormais lieu de pardon, de réconciliation et surtout de liberté et d’égalité entre tous les hommes et tous les peuples.
Fidèle à sa devise d’ouverture sur le monde : » améliorer le cadre de vie de Gorée, Patrimoine mondial pour mieux y vivre, mieux y accueillir et mieux s’y recueillir « , la communauté Goréenne s’investit chaque jour spontanément pour redonner une nouvelle jeunesse à son île, nonobstant la morosité ambiante due à la pandémie.
Ici et là, des travaux de rafraîchissement des peintures des murs et façades par un délégué de quartier, des jeunes qui mettent à profit leur temps disponible pour remettre en état les terrains de basket et de football, les ouvriers recrutés par la Mairie s’activent à réparer les remparts de la baie de Gorée, à reverdir les rues, allées et places ainsi que les pentes du promontoire du Castel; sur la plage, des propriétaires de bateaux qui procèdent à des réparations et des dizaines d’enfants qui se mobilisent pour débarrasser la plage de cette quantité impressionnante d’algues marines victimes de l’arrivée des courants chauds de l’hivernage ( qui ressemble à l’été occidental ou indien tout en étant totalement différent) et qui viennent échouer sur la baie.
D’autres ouvriers s’affairent à rénover et donner un nouveau lustre au « Cœur de Gorée », cette œuvre artistique emblématique et symbolique de la place des droits de l’homme qui a fini d’être associée dans le monde entier à l’île de Gorée à travers les posts, snapchats et selfies des visiteurs voulant immortaliser leur séjour dans l’île mémoire.
Aux alentours de ladite place, le décor est en train de changer car bien que gravement impactés par les effets économiques de la pandémie, les restaurateurs ont décidé de suivre la Mairie dans sa volonté de changer le visage de cette porte de Gorée, premier contact du touriste avec l’île à la descente du bateau.
Les charpentiers sont à pied d’œuvre pour remiser les anciennes toitures en bâche des terrasses de restaurants par des belles toitures en tuiles rouges, créant ainsi une belle harmonie à ravir tout visiteur qui découvrira l’île de Gorée à la fin espérée de la pandémie.
Les hôteliers et propriétaires de villas et maisons d’hôtes s’activent de leur côté à rénover leurs espaces d’accueil pour les futurs visiteurs de séjour même si le jour ou l’heure prochains de leur venue restent hypothétiques tant l’aéroport Blaise Diagne de Diass et la Liaison Maritime Dakar Gorée demeureront fermées.
Gorée est en train de survivre à la pandémie avec la capacité de résilience propre aux insulaires mais surtout Gorée a décidé résolument que la COVID 19 va lâcher prise bientôt et qu’advenue ce moment, elle sera revêtue de ses plus beaux atours pour accueillir encore et encore les milliers de visiteurs venant de tous les coins de la planète.
Quand viendra cette heure du retour à la vraie vie, la Maison des Esclaves et son nouveau Centre international de documentation seront prêtes à les accueillir dans leurs nouveaux écrins en cours de finition.
Le Coronavirus est là, persistant et implacable mais GORÉE REVIT TOUJOURS !
Face au péril COVID 19, et comme par le passé, Gorée se veut une communauté d’abnégation et non une communauté d’abdication face à un ennemi qui a fini de faire plier dans le Monde nombre de communautés jadis considérées comme extrêmement puissantes et invulnérables à tous les périls.
Vous avez dit: Résilience à la Goréenne ?
Nous y croyons et espérons que le Coronavirus l’apprendra à ses dépens.
Augustin Senghor
Maire de Gorée
Volontaire Goréen contre la COVID 19